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La solide inconstance de la roche

La Nature, qui a bon dos, prête aussi le flanc à toutes sortes de tentatives humaines pour l’imiter, gageure à laquelle succombent nombre d’artistes qui  ne craignent pas le rôle de démiurge qu’ils s’attribuent alors.

 

Sylviane Perret - loin d’avoir choisi cette voie sans issue mais dans la proximité de la nature et de ses effets, admiratrice des manifestations géologiques, géophile si on ose dire - parle dans son travail sur la terre, des éléments « naturels ».

 

La terre ?

 Matière silencieuse, la terre dit ce que sa souplesse permet de dire en sourdine et invite à se couler dans le récit de la longue histoire qui l’a façonnée : grand horizon pour cette céramiste à l’écoute ! Si l’infinitude de la géologie donne le vertige, ne pouvoir en rêver que quelques séquences ne semble pas lui être un véritable obstacle. Même à l’échelle de sa main, le territoire est vaste dans le monde des poussées qui plissent les rocheuses, des effondrements qui déchirent les falaises, des plaques qui se stratifient et des murs qui se fissurent.

 Exprimer la force dans une miette, à l’échelon planétaire, est un défi que la terre, en de bonnes mains, relève.

Cuite : matière sonore, elle le claironne, immodeste, avec raison !

 

Et l’émail ?

 Choisir d’en parler séparément répond à une volonté de le considérer, chez Sylviane Perret, en tant que résultat d’un phénomène climatique plutôt que le volcanique cliché. Persistant à suivre cette veine tellurique il est tentant de considérer que son émail obéit à une sorte de géotropisme : il est le résultat des forces d’appel du « dessous ».

 Sur les « Boites », l’émail s’étale, craquelé, généreux et sûr de lui, avec un soupir d’aise.

 Sur les pièces plus « sauvages », d’une superbe richesse, il n’est pas une parure. Appelé par le  relief  qu’il recouvre, il est en devenir : on ne serait pas étonné de le voir fondre. L’image de la neige est pauvre pour parler de cet émail blanc, comme le blanc est pauvre pour parler de la somptuosité de la neige mais on y pense d’autant plus que la terre, visible, semble récemment découverte. Ces images associées valent pour les autres émaux, y compris pour le rouge qui explose, plus sang que lave en fusion. Resserrés sur les sommets ou chassés dans les creux et les failles ils racontent une histoire plus qu’ils ne décrivent.

 

La volonté de Sylviane Perret d’appréhender la solide inconstance de la roche est à l’exemple de l’histoire géologique qui n’aura jamais d’épilogue : ce qui semble être une conclusion n’en est pas une.

 

jean-michel prêt, novembre 2010


Article paru dans la revue Parcours des Arts
Article paru dans la revue Parcours des Arts